Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

The Fair Play

14 mai 2009

Macbeth-Cie des Hommes Approximatifs

Critique de Macbeth (inquiétudes) par La Compagnie des Hommes Approximatifs – Théâtre de l’Odéon. mise en scène Caroline Guiela et Alexandre Plank

            Le sous-titre inquiétudes sonne juste pour une représentation de ce genre, propre à pétrifier l’amoureux de la littérature shakespearienne. Comment ne pas déplorer un tel saccage de la poésie qui habite Macbeth ? Même si on ne renie pas la possibilité d’une adaptation contemporaine de ce grand classique, il s’agit d’une œuvre qui flamboie grâce à la tension entre un sujet historique et l’invasion d’un monde fantastique et terrifiant, la rupture de la lisière entre l’univers de la sorcellerie et celui du pouvoir grâce au caractère commun de la monstruosité. Mais cette adaptation, ne fait naître aucun charme, aucune persuasion. L’écriture de Shakespeare est certes, faite d’une esthétique du débordement, de l’excès, mais chaque détail s’intègre parfaitement au corps de la pièce, et même les éléments les plus hermétiques font sens dans la logique interne de l’œuvre. Dans cette mise en scène, chaque greffe paraît artificielle, depuis le sketch préliminaire (d’ailleurs d’un humour très convenu : le magicien qui fait disparaître un bijou qui ne réapparaît pas, un gag qui relève probablement des droits d’auteur du créateur de Guignol et le gendarme) jusqu’à la fable de l’homme mangé par l’aigle. Et a contrario, lorsque les répliques les plus symboliques, appellent la fabulation et l’imagerie onyrique, la tirade est gâtée par un jeu en contre-scène qui perd l’attention du spectateur, et toute la magie des comparaisons et des hallucinations de Macbeth et Lady Macbeth est occultée. Dans cette pièce, le meurtre est une corruption de l’homme par la bestialité sanguinaire, le sang est une souillure, quelque chose d’animal, de physique qui enterre les coupables dans le monde pestilenciel des sorcières. Dans cette adaptation, il ne s’agit plus de prédation, mais de règlements de comptes mafieux, l’aspect charnel est absent : on emballe les corps dans une bâche en plastique après les avoir tué d’une balle ou deux. De même la complexité des personnages n’est pas ressentie, et les gestes et l’élocution des comédiens ne créent que la dissonnance. Macbeth, homme déchiré entre sa conscience (ce « lait de la tendresse humaine ») et son sentiment de mériter le pouvoir, a l’allure d’une crapule manipulée par sa femme, Lady Macbeth, furie assoiffée de pouvoir qui dépasse la faiblesse de son sexe jusqu’à en perdre la raison, devient une épouse dépressive faisant sa crise de la trentaine, et Malcolm héros rusé et juste vainqueur de son trône, a l’air d’un rentier anglais confortablement habillé de son flegme et de sa robe de chambre. Enfin, le détail le plus aberrant est celui du film projeté sur le décor où l’on voit la compagnie en promenade galante dans un parc, élément qui ne produit aucun sens sinon l’impression  d’une complaisance prétentieuse et narcissique. En somme la multiplication des moyens de mise en scène et des modifications pseudo-modernes du contexte, n’ont d’égal que leur insignifiance, et l’adaptation morbide de cette grande tragédie tire à blanc comme ses acteurs. 

Publicité
Publicité
11 mai 2009

Foucault 71 épisode 0 - Collectif 71

Critique de Foucault 71 épisode 0 de Sabrina Baldassarra par le Collectif F71 – Théâtre de l’Odéon

Foucault 71 épisode 0 met en scène le philosophe Michel Foucault, ainsi que d’autres intellectuels de la même époque, lorsqu’ils ont créé le GIP (Groupe d’Information sur les Prisons) et se sont investis dans l’affaire Jaubert et le comité Djellali. Et c’est à la manière d’un documentaire que le Collectif 71 fait revivre ces moments de l’histoire politique française d’après 68. D’un point de vue global, il s’agit d’une œuvre à la fois instructive (surtout pour ceux qui n’ont pas suivi les faits aux dates où ils se sont déroulés) et agréable par la spontanéité de ses dialogues, refusant un aspect trop austère qui découlerait du sérieux du domaine abordé. On y admire la pertinence des thèmes, en rapport avec les mouvements militants assez nombreux et visibles dans l’actualité, ainsi que la richesse des sources exploitées et la variété de leur mise en scène (comme la figuration par les comédiennes d’une photo de l’époque représentant leurs personnages, d’une émission de radio ou encore d’une conférence de presse mettant le public dans la position du parterre de journalistes). L’aboutissement de ces moyens est un spectacle dense et néanmoins synthétique, malgré quelques coupures mal venues ( pendant des passages de lecture ou de déplacement du public finalement peu utile). Mais bien que les personnages évoqués soient majorité des hommes, les comédiennes passent d’un rôle à l’autre avec facilité, et sont d’autant plus crédibles qu’elles ont pris le parti de ne pas pousser jusqu’au bout l’imitation. On reconnaît Foucault, Mauriac et les autres, sans être gêné par la caricature mal aisée d’une voix masculine et de gestes faussement virils. Un certain humour se dégage même au milieu de ce tableau inquiétant de la répression et de la vie en milieu carcéral, mais pas un comique bouffon, juste une vision attachante de figures d’intellectuels du panthéon de la presse et de la politique rendus très humains.

            Seulement cette réactualisation historique pèche par des défauts inhérents au genre auquel elle se rattache. Le GIP, à l’époque où il a été fondé (ainsi que les deux autres groupes de militantisme et d’information) étaient des instruments de résistance, de dénonciation, et des moyens de parole donnés à des témoins gênants et oubliés des autres media. Or il manque ici la force d’une telle entreprise, car même si l’écho avec le problème des prisons tel qu’il se pose aujourd’hui est suggéré, il n’est pas effectivement cité, analysé, dénoncé, ou encore symbolisé lui-même. Et de fait, la pièce manque de résonance avec l’actualité, et ne justifie donc pas le choix d’une adaptation théâtrale plutôt qu’un documentaire vidéo ou audio. En effet, si ce n’est par la sympathie qu’elle dégage et par l’intérêt pour des questions qui sont encore à poser et des formes de réflexion encore à produire, la forme scénique ne présente pas d’intérêt spécifique et perd même en authenticité en comparaison avec les documents originaux. Le théâtre est une forme d’art qui offre l’opportunité particulière de faire un lien toujours renouvelable avec avec les faits immédiats du contexte politique, chance qui n’est pas saisie dans l’argumentation de cette œuvre. Foucault 71 épisode 0 est donc une création qui invite à une discussion mais n’ouvre pas elle-même le dialogue attendu. Elle produit un objet de réflexion éloquent mais dans lequel il manque simplement un lien entre l’histoire que l’on fait parler et l’atcualité qui la remotive.

11 mai 2009

Toâ - La Piccola Familia

Critique de Toâ de Sacha Guitry mis en scène par Thomas Jolly, production de la troupe La Piccola Familia - Théâtre de l'Odéon

L’ouverture de la pièce est un peu effrayante, débutant sur une musique un peu grossière rappelant les films d’action américains, avec un décor et une lumière tout en rouge et noir et un jeu chorégraphié où les comédiens se meuvent comme des machines en brisant violemment des assiettes contre le sol sans dire un mot. On prévoit au premier abord, un théâtre de l’ordre du contemporain-bizarre, du genre de ceux qui utilisent une symbolique d’une grande lourdeur, à coups de couleurs criardes (à chaque personnage son costume : l’amante en rouge, le vilain en noir, le héros en  jaune fluo etc.) de gestuelle mécanisée et de moments crus et choquants faits pour bien flageller le petit spectateur bourgeois-réactionnaire.

Mais on revient très vite à l’esprit de la présentation liminaire (par la comédienne qui joue la voix des didascalies, Henriette et le policier), un esprit à la fois farceur et pince-sans-rire et qui joue sans cesse avec les codes de la fiction théâtrale et le dialogue avec le public, selon l’idée même de la pièce de Guitry.

            On entre donc volontiers dans le jeu, malgré un début plutôt déroutant, dès le premier dialogue entre Michel Desnoyers et sa bonne, Maria. La diction volubile de Thomas Jolly donne à Michel une personnalité séduisante d’intellectuel facétieux, et donne aussitôt, en contraste avec le ton à la fois naïf et pertinent de Maria, le ton enjoué et dynamique du comique de la pièce. De même, grâce au jeu initial sur les didascalies lues par une voix-off qui met à mal les comédiens et les reprend comme une figure de metteur en scène distant et agaçant, ces derniers gagnent aisément l’attention et la complicité du public. On rit à chaque tour de passe-passe inventé par les comédiens pour esquiver la contrainte scénique de l’application du texte, que ce soit en détournant les mots ou les objets. Ceci donne alors lieu à une parodie espiègle du mime auquel l’acteur est censé se plier pour rendre l’action réelle, vraisemblable. Et c’est là le fil conducteur de Toâ, l’entrelacement du réel et de la scène, de la vie et de la fiction, et l’impossibilité d’en démêler la vérité comme une simple objectivité des faits, surtout à travers un regard amoureux. D’où l’intelligence de tous les signes de la mise en abyme dessinnée entre le public et le plateau. A chaque début d’une nouvelle séquence du spectacle, le décor dispose un cadre supplémentaire, à l’image de celui qui ceint l’avant-scène, de plus en plus reculé en profondeur, et de plus en plus réduit. Cette image reflète la multiplication des niveaux de fiction de la pièce, le génie déroutant du théâtre à l’intérieur du théâtre, non pas comme un acte de narcissisme de l’art se flattant lui-même, mais comme une psyché socratique qui déstabilise le sérieux du drame amoureux en lui exposant ses contradictions et ses penchants comiques. Et lorsque les cadres se fondent finalement les uns dans les autres, la musique, cette fois bien plus juste, confère au souper entre Anna et Michel, une atmosphère intimiste, touchante. Pendant un instant les amants fâchés rendent les armes, désabusés par la complexité de leur propre amour et l’impossibilité de se rejoindre malgré leur désir, chacun à un bout de cette grande table blanche qui les sépare, chacun empêché par sa fierté de pardonner la faute de l’autre. Cette variation d’un acte à l’autre, visible également dans le jeu, rappelle la comparaison de Michel de son histoire d’amour avec Anna à une œuvre de musique avec ses mouvements andante, adagio,…, qui illustre aussi bien l’évolution de la mise en scène et des dialogues.

Ainsi, la voix de Sacha Guitry, d’abord  insérée petit à petit dans les répliques de Michel, vient conclure la douce leçon que le théâtre donne à la vie, une fois qu’Anna est détrompée, que l’illusion comique est rompue et que le couple peut enfin se réconcilier. Et sous cette voix bienveillante de Sacha/Michel, qui plane au-dessus de la scène en donnant à Anna sa philosophie du jeu théâtral, les comédiens alignés écoutent comme nous et miment silencieusement ses mots. De même la façon qu’elle s’est présentée avant de nous inviter à la comédie, la troupe fait ses adieux silencieux et fait retomber le rideau, tout en laissant flotter derrière elle une fantaisie, un doute agréable, celui de ne quitter cette scène que pour une autre, un peu plus vaste. 

11 mai 2009

Festival Impatience

Le théâtre de l'Odéon et les Ateliers Berthier présentent du 5 au 16 mai, le festival Impatience, pour promouvoir de jeunes compagnies ( pour plus d'informations et pour réserver des places pour les spectacles encore à venir cliquez sur le lien suivant http://www.theatre-odeon.fr/?prehome=1 ). J'en profiterai donc pour me promouvoir moi-même en tant que jeune critique. Mon point de vue est celui d'une amatrice de littérature et de théâtre, n'ayant pas la prétention d'une forme de critique professionnelle, académique ou exhaustive. Je précise que l'objet de ce blog est une discussion intellectuelle libre sur les spectacles (et autres formes de culture) proposés à Paris, au fil de la saison.

Publicité
Publicité
The Fair Play
Publicité
Publicité